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Soutien-gorge
Le soutien-gorge, ou la brassière au Canada, est un sous-vêtement féminin composé de deux bonnets servant à soutenir et protéger, dans une certaine mesure, ainsi qu'éventuellement mettre en valeur les seins. Il peut être assorti à d'autres pièces de lingerie (porte-jarretelles, shorty, slip, string, etc.).
Fonction
Depuis l'Antiquité, les femmes utilisent différents dispositifs pour leur poitrine : apodesme ou strophium, mastodeton, sangles, mamillare, brassières, bandeaux, corsets et corselets. Selon les périodes, ces dispositifs ont répondu à divers objectifs : modeler la silhouette, mettre en valeur la poitrine ou au contraire la cacher, faciliter les mouvements ou l'exercice sportif, mais aussi prendre en compte les convenances, touchant au monde de l'intime, voire de l'érotisme ou de la morale.
Comme pour d'autres pièces de la lingerie, l'apparence peut prendre le pas sur le confort dans la conception du soutien-gorge. Le soutien-gorge, comme les autres sous-vêtements, joue un rôle déterminant dans la relation entre le corps et les vêtements, et dans la transformation du corps naturel en un corps culturel, un corps reflet de la société.
Étymologie
Selon le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, dans son édition de 1999, le mot se serait substitué en 1904 à maintien-gorge, proposé initialement par Herminie Cadolle en 1899. La gorge est un euphémisme pour désigner les seins.
Au Québec, les termes de soutien-gorge et de brassière sont, encore aujourd'hui, utilisés indifféremment. La dénomination de brassiere, transformé en bra, est celle qui s'est imposée aux États-Unis entre 1930 et 1935.
Histoire
Antiquité et Moyen Âge
Sous le traditionnel chiton, la femme de la Grèce hellénistique (400 à ) porte une tunique en lin recouvrant plusieurs systèmes composés de bandelettes pour contrôler la morphologie féminine. Pour gommer la féminité en aplatissant la poitrine et les hanches, elle porte l’apodesme, un bandage formant une ceinture sous la poitrine pour la maintenir. Il se porte indifféremment sur le chiton ou directement au contact de la peau. Pour dissimuler les hanches et le ventre, elle utilise le zona, une bande abdominale. Les jeunes filles portent le mastodeton, un mince ruban ceignant la poitrine pour empêcher le développement du sein. La silhouette de la femme grecque est volontairement androgyne et témoigne du goût des Grecs anciens pour les femmes aux seins peu développés. Certains médecins iront jusqu'à proposer des traitements pour empêcher le développement du buste.
La femme romaine porte habituellement une tunique ou une stola et, en dessous, les mêmes dispositifs que la femme grecque. Les hanches sont effacées par un zona, la poitrine des jeunes filles bandée à l'aide d'un taenia ou d'un fascia, équivalent romain du mastodeton. Les bustes plus volumineux sont écrasés par un mamilliare en cuir. Le dispositif le plus répandu est le strophium ou Fascia pectoralis, un bandage similaire à l’apodesme grec. Certains dessous de l'époque, dont la représentation la plus connue est celle de la villa romaine du Casale à Piazza Armerina en Sicile, ressemblent étrangement au bikini ou aux culottes et soutiens-gorge actuels.
En 2008, une équipe d'archéologues autrichiens met au jour plusieurs sous-vêtements, datés par carbone 14 de la fin du XIVe siècle au début du XVe siècle. Parmi les pièces de lingerie féminine découvertes, un soutien-gorge similaire aux soutiens-gorge modernes, prouvant ainsi son invention et utilisation avant l'époque moderne.
Époque moderne
L'origine du soutien-gorge dans son acception « moderne » reste discutée. Parfois appelé « gorgerette » ou « maintien-gorge », le terme « soutien-gorge » apparaît en 1904 dans le dictionnaire Larousse et en 1912, sous le nom de « brassiere », dans l'Oxford English Dictionary. Son diminutif, « bra », ne sera pas utilisé dans les pays anglophones avant 1937.
Un premier prototype de soutien-gorge est breveté en 1859 à New York par Henry S. Lesher. Cet ancêtre du soutien-gorge présentait des défauts de conception qui le rendaient inconfortable.
Le 27 juin 1889, Herminie Cadolle, ouvrière corsetière née en 1842 dans une famille modeste, communarde et révolutionnaire, ayant émigré en Argentine, toujours comme corsetière, à l'âge de 45 ans, rentre en France pour présenter à l'exposition universelle de Paris le premier soutien-gorge moderne sous le nom de « corselet gorge » et de Bien-être. Il s'agit d'un petit corset coupé en deux sous la poitrine, suspendu aux épaules, et fermé par des boutons sur le devant, plus confortable pour les femmes. Elle demande aux filateurs de Troyes de lui fabriquer des bretelles en caoutchouc, ce qui améliore le confort pour celles qui le portent et dépose un brevet en 1898. Cependant, ce modèle (qui a encore une structure interne de type corset), est jugé comme présentant des problèmes de maintien. Commercialisé en France, il fut peu remarqué.
En mars 1893, aux États-Unis, Marie Tucek avait aussi déposé un brevet pour un dispositif nommé Breast supporter composé d'une « poche » pour chaque sein et d'un système de bretelles maintenues à l'aide d'œillets et d'agrafes. Ce modèle ressemble beaucoup au soutien-gorge à balconnet moderne. Porté par quelques amies de Marie Tucek, ce sous-vêtement fut également un échec commercial.
En 1913, Mary Phelps Jacob crée un soutien-gorge séparant les deux seins. Elle revend le brevet pour 1 500$ (aujourd'hui, environ 25 600 $), en 1914, à la société Warner Brothers Corset Company domiciliée à Bridgeport dans le Connecticut. Au même moment, Rosalind Kind invente un soutien-gorge composé de deux triangles croisés devant et dans le dos.
Au tournant des XIXe et XXe siècles, sous l'influence croissante des idées féministes et hygiénistes (en 1762, Jean-Jacques Rousseau, dans Émile ou De l'éducation, condamnait déjà « l'usage de ces corps de baleine » qui coupent la femme en deux « comme une guêpe »), mais aussi avec l'engouement pour le sport, et l'activité ouvrière accrue de nombreuses femmes durant la Première Guerre mondiale, le soutien-gorge remplace peu à peu le corset.
Le soutien-gorge ne connaîtra pourtant un véritable essor qu'à la fin des années 1920. En effet, à la silhouette en « S » qui pousse la poitrine vers l'avant, les hanches et les fesses vers l'arrière, en vogue dans les années 1880-1905, succède une ligne plus fonctionnelle, adaptée aux besoins de l'époque, distillée par les couturiers Paul Poiret, Madeleine Vionnet ou Nicole Groult. La silhouette revêt alors des formes proches de celles de l'Empire avec une taille haute, une poitrine effacée et des hanches étroites. Amplifiée par la Première Guerre mondiale et les « garçonnes » des « années folles », la mode est alors aux petites poitrines, ce qui retarde son adoption au profit des gaines et des corsets « souples ».
Les premiers soutiens-gorge étaient en lin avant d'être fabriqués, à partir des années 1920, en soie, mousseline ou en batiste.
Dans les années 1930 apparaît la rayonne qui permet d'ouvrir la voie vers les soutiens-gorge actuels, même s'ils restent onéreux et peu adaptés aux différentes morphologies féminines.
La première véritable évolution est attribuée aux trois frères de la société Warner (États-Unis) qui mirent au point un tissu extensible, mais surtout qui affinèrent les tailles de bonnets en proposant des tailles allant de A à D et renouèrent avec l'idée de remplacer les bretelles en tissu par des bretelles élastiques.
D'autres innovations suivront comme le Very secret après la Seconde Guerre mondiale en nylon et muni de coussinets gonflables. En 1943, Howard Hughes crée un modèle de soutien-gorge à armatures renforcées et sans bretelles qui rend les seins pointus pour les besoins du film The Outlaw dans lequel apparaît Jane Russell. En 1956, Lejaby présente le soutien-gorge pigeonnant. Puis, dans les années 1960, Abraham Nathaniel Spanel et sa société Playtex créent Cœur croisé, le premier soutien-gorge à armatures non métalliques.
Un soutien gorge ampliforme (Wonderbra) est inventé en 1961 par la styliste québécoise Louise Poirier sous la direction de Wonderbra pour la société de lingerie Canadian Lady Corset Company. Il sera principalement vendu en Europe, de 1967 à 1993, sous licence accordée à la marque britannique Gossard.
La révolution sexuelle des années 1970 marque un autre tournant : bien qu'il n'ait jamais été brûlé en place publique, contrairement au mythe populaire, le soutien-gorge doit être fonctionnel, confortable et éloigné de toute connotation sexy.
Les fibres textiles ayant bénéficié d'avancées technologiques, le soutien-gorge actuel allie généralement fonctionnalité et séduction.
Modèles
Au fil du temps, différents modèles de soutien-gorge apparurent pour des raisons pratiques ou des raisons de confort, ce sont les soutiens-gorge :
- d'allaitement, qui possède des bonnets amovibles pour permettre l'allaitement des nourrissons ;
- pigeonnant, également dit à balconnet, conçu pour avantager le décolleté. Il fit fureur dans la première moitié des années 1960 ;
- bandeau qui a la forme d'un bandeau, ne disposant pas de bretelles. Il permet de dégager les épaules ;
- bustier, qui couvre le haut du ventre, à mi-chemin entre le soutien-gorge classique et le corset ;
- corbeille, à forme semi-emboîtante. Il assure un maintien haut de la poitrine ;
- à maintien renforcé, limitant les mouvements des seins. Parfois appelé « brassière », il permet de faire du sport ;
- push-up largement répandu grâce à la publicité faite par la marque Wonderbra. Des coussinets amovibles, situés dans les bonnets, permettent de relever les seins et d’augmenter leur volume apparent ;
- redresse-seins dont les bonnets sont ouverts de façon à dégager les mamelons. Ce soutien-gorge est souvent assorti à un slip lui aussi ouvert ;
- rembourré, destiné à l'origine à celles qui ont de petits seins. Il permet de donner l'impression d'avoir une taille de plus au niveau des bonnets ;
- triangle, généralement sans armature.
Tailles
La taille de soutien-gorge et de brassière dépend du tour de poitrine, aussi appelé tour de dos, et du bonnet.
Ce sont des Américains, William et Ida Rosenthal, qui inventent cette notation en 1928. La taille d'un soutien-gorge est depuis définie par deux codes : le nombre (32, 34, 36… // 85, 90, 95…), qui correspond à la longueur de la bande du soutien-gorge, et la lettre (A, B, C…), qui correspond à la profondeur des bonnets. En Amérique du Nord, les tailles sont calculées en pouces, tandis qu'en Europe, la mesure métrique est celle qui prévaut : par exemple, un soutien-gorge 32-A au Canada équivaut à un 85-A en France.
Non-port
Certaines femmes refusent l'usage du soutien-gorge, le jugeant inconfortable et inutile pour empêcher l'affaissement des seins. Une étude menée sur 330 femmes pendant 15 ans semble confirmer les avantages du non-port du soutien-gorge : les mamelons remontent de 7 mm par an par rapport à l’épaule, la poitrine aurait tendance à se raffermir et les vergetures à disparaître.
Certains courants féministes le refusent également, estimant que le soutien-gorge est un instrument d'oppression et de souffrance infligée au corps des femmes, et résultant d'une hyper-sexualisation de leur corps. Certains groupes religieux et politiques interdisent le port du soutien-gorge. En 2009, en Somalie, les Shebab ont fouetté en public plusieurs femmes qui portaient ce sous-vêtement.
Certaines personnes mettent en avant que porter un soutien-gorge favoriserait l'apparition de cancer du sein, ce que démentent pourtant les médecins. En effet, les études régulièrement relayées par les médias ne montrent qu'une corrélation entre le port de soutien-gorge et l'apparition de tumeurs mammaires au sein d'un échantillon de femmes donné, mais ne montrent pas de relation de cause à effet, car la corrélation ne remplit pas les critères de Bradford-Hill, conditions requises en épidémiologie pour établir une preuve d'une relation causale entre deux événements. De plus une étude cas-témoins, rétrospective, ne permet pas de calculer un risque relatif, mais seulement un odds ratio, autrement dit elle ne permet pas d'évaluer l'incidence du cancer du sein sur un groupe exposé au facteur de risque supposé (le port de soutien-gorge) et un autre non exposé.
Annexes
Bibliographie
Ouvrages classés par date de parution.
-
La mécanique des dessous : Une histoire indiscrète de la silhouette, Paris, Éditions Les Arts décoratifs, , 271 p. (ISBN 978-2-916914-42-8) :
- Denis Bruna, « Introduction. », dans La mécanique des dessous, , p. 19-21 ;
- Anne Zazzo, « Les dessous contemporains. », dans La mécanique des dessous, p. 223-228 ;
- Charlotte Delory, « Soutiens-gorges, gaînes, guêpières et combinés depuis 1900. La métamorphose des dessous. », dans La Mécanique des dessous, p. 223-228.
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- Stéphanie Pedersen, Un amour de… lingerie, Éditions Hors Collection, (ISBN 978-2-258-07623-5 et 2-258-07623-4).
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- Béatrice Obergfell et Patricia Bernheim, L'Année Lingerie 2006, Éditions Chronosports, coll. « Airelles », , 176 p. (ISBN 2-88468-056-X).
- Claire Mabrut et Vincent Le Bee, Les Dessous chics, Paris, Éditions Hugo et Compagnie, coll. « Airelles », , 161 p. (ISBN 2-7556-0048-9).
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Articles
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- Willy Le Devin, « Wonderbra, secrets desseins », Libération, (lire en ligne).
- Emmanuèle Peyret, « Toi aussi rééduque tes seins avec ton soutien-gorge », Libération, (lire en ligne).
- Emmanuèle Peyret, « Sans lingerie, la fête de tous les seins », Libération, (lire en ligne).
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- Frédéric Joignot, « je ne pense qu'à ça ! », Le Monde, (lire en ligne).
- Rédaction Le Monde, « Chez Lejaby, Montebourg défend le "soutien-gorge tricolore" », Le Monde, (lire en ligne).
- Rédaction Le Monde, « Lejaby, cruel symbole de la désindustrialisation », Le Monde, (lire en ligne).
- Nicole Vulser, « Lejaby aux trente-sixièmes dessous », Le Monde, (lire en ligne).
- (en) Rédaction BBC, « Intelligent bra' battles bounce », BBC News, (lire en ligne).
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- N. M.-S., « Lingerie et soutien-gorge », Le Monde, (lire en ligne).
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Source web
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- « Mots du Québec. Brassière », sur http://suite101.fr.
Filmographie
- La Saga du soutien-gorge, documentaire d'Anna Fitch, États-Unis, 2007, 52 minutes
- Les dessous ont une histoire, documentaire de Christiane Prigent et Marianne Lamour, réalisation de Marianne Lamour, France, 2005, 61 minutes, coproduction Arte France et BFC Productions.
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :