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Affaire des poisons

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La marquise de Brinvilliers soumise à la question : elle subit le supplice de l'eau.
Huile sur toile de Jean-Baptiste Cariven, 1878, musée des Beaux-Arts de Gaillac.

L'affaire des poisons est une série de scandales impliquant des empoisonnements survenus entre 1679 et 1682, sous le règne de Louis XIV, et qui secouèrent Paris et la Cour. Plusieurs personnalités éminentes de l’aristocratie furent impliquées, et ces affaires installèrent un climat hystérique de « chasse aux sorcières » et aux empoisonneuses.

Au début de l’affaire, une cassette avec neuf lettres et des poisons

En 1672, à la mort naturelle d'un officier de cavalerie, aventurier et couvert de dettes, Godin de Sainte-Croix, on découvrit lors de l'inventaire après décès dans ses papiers, dans un coffret, neuf lettres de sa maîtresse, la marquise de Brinvilliers, ainsi qu'une reconnaissance de dette de la marquise, d'un montant de 30 000 livres et diverses fioles qui, après avoir été analysées par un apothicaire, révèlent avoir contenu divers poisons laissant peu de traces dans l'organisme.

Dans ses lettres, la marquise reconnaît aussi avoir empoisonné par un mélange d'arsenic et de bave de crapaud son père, la marquise ayant essayée dix fois de tuer son père avant d'y parvenir, et ses deux frères pour s'approprier leur part d'héritage. Dans la même cassette, la police trouve aussi une procuration du receveur général du clergé, Pierre Louis Reich de Pennautier, datée du , autorisant un marchand de Carcassonne à recevoir par l'entremise de Godin de Sainte-Croix, de la part de la marquise de Brinvilliers, une somme de 10 000 livres qu'il lui aurait prêtée sous le nom de Paul Sardan.

Sur le paquet est écrit « papiers pour être rendus à M. de Pennautier, receveur général du clergé, et je supplie très humblement de bien vouloir les lui rendre en cas de mort, n’étant d’aucune conséquence qu’à lui seul ». Un dernier document, une quittance signée de Cusson, le marchand de Carcassonne, prouve que la marquise de Brinvilliers a remboursé deux mille livres à Cusson le .

Les créanciers de Godin de Sainte-Croix s'adressent au Procureur du Roi pour réclamer leurs dus, les hautes sphères de l'État s'intéressent dès le début à cette affaire puisque Colbert est un proche de Pennautier.

La fuite en Angleterre et les efforts de Colbert pour que l’enquête avance

Gabriel-Nicolas de la Reynie (1625-1709), gravure de Pierre Mignard.

Une fois la cassette découverte, la marquise de Brinvilliers est citée à comparaître devant la justice le , mais se réfugie à Londres. Dès le , Colbert tente d’obtenir le retour en France de la marquise de Brinvilliers mais sans provoquer d’incident diplomatique avec l'Angleterre. Il écrit ainsi à l'ambassadeur de France à Londres pour tenter d'obtenir l’extradition de la marquise de Brinvilliers, en indiquant « Si le roi d’Angleterre voulait bien la faire arrêter, la faire mettre aussitôt en un bâtiment et l'envoyer promptement à Calais, cela serait fait et exécuté auparavant que personne en eût connaissance ». Elle se réfugie alors à Valenciennes, en Hollande puis à Liège, dans un couvent.

Jean Hamelin dit La Chaussée, valet de Godin de Sainte-Croix, est, lui, arrêté dès le . Jugé en , il est condamné à être rompu vif fin mars, en place de Grève, car il est considéré comme le complice de la marquise de Brinvilliers, ayant servi d'abord son frère. Il est également suspecté d'avoir voulu empoisonner le Roi à l'instigation de Godin de Sainte-Croix qui avait cherché à obtenir pour lui une charge d'officier du gobelet avec la caution de Pierre Louis Reich de Pennautier. Enfin, après avoir subi la question préalable, La Chaussée a reconnu avoir servi de tueur à gages à Sainte-Croix.

L’arrestation de la marquise et celle de son ami Pennautier

Après avoir été jugée par contumace en 1673, la marquise de Brinvilliers est retrouvée dans un couvent à Liège et arrêtée le par la ruse d’un exempt de police déguisé en prêtre, François Desgrez, le plus fin limier du lieutenant-général de police de La Reynie. Lors de son arrestation sont retrouvées dans sa chambre des lettres de confession dans lesquelles elle s'accuse d'homicides, d'avortement, de pyromanie mais aussi d'une enfance dévastée par un viol à l'âge de 7 ans et des actes incestueux de la part d'un de ses frères. Il n'est pas possible pour l'historien de démêler la part de vérité et de fantasme dans ces confessions.

La marquise de Brinvilliers est extradée, ramenée en France. Elle est soumise à un premier interrogatoire le et écrouée à la Conciergerie le , alors qu’elle refuse d’avouer et déclare que ses lettres de confession ont été écrites lors d'un acte de folie. Sa tentative de suicide échoue. Son long procès (-), sa condamnation et son exécution sont rapportés dans la correspondance de Madame de Sévigné (« Cette affaire occupe tout Paris. ») et fictionnalisés dans les Crimes célèbres d’Alexandre Dumas.

Pierre Louis Reich de Pennautier fut emprisonné le à la Conciergerie, après avoir été mis en cause par la marquise de Brinvilliers, qui déclare aux enquêteurs lors de nouveaux interrogatoires : « s’il dégoutte sur moi, il pleuvra sur Pennautier ». Ce dernier est alors cité dans une autre affaire d’empoisonnement : Mme Hanivel de Saint Laurens, alias Marie Vosser, veuve de l’ancien receveur du Clergé de France, l’accuse d’avoir empoisonné son mari le , pour pouvoir prendre possession de sa charge, ce qu’il fit effectivement le . Pennautier fera intervenir de nombreux ecclésiastiques et sera libéré de prison le après treize mois dans les geôles.

Le , Louis XIV écrit à Colbert : « sur l’affaire de Mme de Brinvilliers, je crois qu’il est important que vous disiez au premier président et au procureur général, de ma part, tout ce que de gens de biens comme eux doivent faire pour déconcerter tous ceux de quelque qualité qu’ils soient qui sont mêlés dans un si vilain commerce. »

Les secrets de Polichinelle

La Voisin, estampe du XVIIe.
La marquise de Brinvilliers en 1676 après son emprisonnement, par Charles Le Brun.
L'abbé Étienne Guibourg célébrant une messe noire sur le corps nu de Madame de Montespan, en présence de La Voisin. Gravure de la fin du XIXe siècle.

Dans un second temps, sept ans après les faits et trois ans après l'exécution de la marquise et de son valet La Chaussée, l'affaire rebondit sur le terrain des messes noires. Maître Perrin, petit avocat sans clientèle, entendit lors d'un dîner arrosé une certaine Marie Bosse réputée devineresse, cette dernière avinée se vantant de ses profits de son métier d'empoisonneuse. Perrin qui connaissait bien Desgrez, rapporta cette affaire à ce dernier. En 1679, l'enquête menée par Desgrez révéla que Marie Bosse avait fourni des poisons à certaines épouses de membres du Parlement voulant empoisonner leur mari. Marie Bosse dénonça une autre empoisonneuse, la femme Montvoisin, dite « la Voisin » qui fut arrêtée le .

Les révélations des inculpés portant sur des personnes de qualité, il fut créé un tribunal spécial : la « Chambre ardente ». De grands personnages, surtout des femmes, furent alors cités : Madame de Vivonne (belle-sœur de Madame de Montespan), Madame de La Mothe, Mesdemoiselles des Œillets et Cato (femmes de chambre de Madame de Montespan), la comtesse de Soissons, la comtesse du Roure, la comtesse de Polignac, le maréchal de Luxembourg, et d'autres encore.

Le lieutenant de police La Reynie peina à trouver des preuves autres que des témoignages parfois farfelus. À l'accusation d’empoisonnement s'ajoutèrent d'autres : meurtres d’enfants lors de messes noires dites par des prêtres débauchés (dont Étienne Guibourg), profanations d’hosties ou même fabrication de fausse monnaie.

Ce zèle de la part de La Reynie pourrait venir en partie de la lutte entre Louvois, ministre de la Guerre, et Jean-Baptiste Colbert, Louvois menant une enquête secrète pour le compte du roi, tandis que certains des nouveaux accusés illustres étaient présentés comme des proches de Colbert, dont l'influence sur le roi avait fortement chuté, après avoir été contestée par les milieux catholiques ou économiques dès 1669. Cette contestation s'était amplifiée après la faillite en 1674 de la Compagnie des Indes occidentales puis la liaison entre le roi et la marquise de Maintenon, qui reproche par écrit à Colbert de n’être pas assez attentif à la religion.

Après l'exécution de sa mère, Marie-Marguerite Monvoisin mit en cause Madame de Montespan, déjà en disgrâce auprès du roi : celle-ci aurait eu des relations avec la Voisin, sans doute pour obtenir des poudres propres à lui ramener l'amour du roi, et aurait participé à des cérémonies de conjuration. Il n'existe cependant aucune preuve qu’elle ait pris part à des messes noires ou ait organisé l'empoisonnement de ses rivales, telle Marie Angélique de Fontanges, décédée de mort naturelle mais dans des circonstances jugées à l'époque étranges. Madame de Montespan, mère des enfants du roi, resta à la Cour. Malgré les rumeurs concernant son ancienne favorite, le roi continua à la voir chaque jour, lorsqu'il visitait ses enfants.

En trois ans, la Chambre ardente auditionna 442 accusés, ordonna 319 prises de corps (125 inculpés en fuite ne seront pas arrêtés), rendit 104 jugements dont 30 acquittements, 36 condamnations à mort, 34 bannissements du royaume ou amendes et quatre condamnations aux galères. Elle fut dissoute en 1682 par ordre de Louis XIV, sans qu’aient été jugés les accusateurs de Madame de Montespan, qui furent enfermés dans des forteresses royales, comme la forteresse du Saint-André, à Salins-les-Bains.

La Voisin fut brûlée vive en place de Grève le . Plusieurs femmes ayant accusé Madame de Montespan furent enfermées par lettre de cachet dans diverses forteresses du royaume, par exemple à la citadelle Vauban du Palais (Belle-Île-en-Mer) et à Besançon. Marguerite Joly est également condamnée et brulée vive le .

Trente-deux personnes, en majorité des femmes, furent envoyées dans la province du Roussillon et enfermées à la forteresse de Salses, au fort Libéria de Villefranche-de-Conflent et à Fort-les-Bains. La dernière prisonnière roussillonnaise liée à cette affaire meurt en 1725 après quarante-deux ans de captivité.

Épilogue

Après avoir relu les pièces une à une de tout le dossier de cette « Affaire des Poisons » contenu dans un coffre scellé que Louis XIV détient depuis 1682, le roi décide que cette affaire doit rester dans un « éternel oubli » : un arrêt du Conseil du roi daté du ordonne de faire brûler les « vingt-neuf gros paquets de divers registres », procès-verbaux et rapports de police. Ceux-ci furent confiés à un valet qui les jeta au feu. Il reste néanmoins des traces écrites de la procédure inquisitoire (copies des actes détenues par le lieutenant de police La Reynie et par la magistrature de la Chambre ardente) qui ont permis aux historiens de reconstituer précisément cette affaire d'État.

Les protagonistes

Dans cette affaire, 442 personnes ont été inculpées, 104 jugements ont été prononcés dont 36 condamnations à mort, 5 condamnations aux galères à perpétuité et 23 bannissements.

Dans la fiction

Musique

Le groupe de speed-métal ADX dédie la chanson Poison d'État à l'affaire des poisons, dans son album Division blindée (2008).

Le groupe de black/speed Hellripper dédie l'intégralité de son album The Affair of the Poisons (2020) à cette affaire.

Films

La trame historique a été reprise, de manière légèrement romancée, par le cinéaste Henri Decoin, dans son film L'Affaire des poisons (1955), avec Viviane Romance (Catherine Deshayes dite la Voisin) et Danielle Darrieux (Madame de Montespan), Maurice Teynac (La Reynie), Pierre Mondy (François Desgrez, officier de police aux ordres de La Reynie) ainsi que Paul Meurisse en abbé démoniaque.

Un téléfilm franco-belge La Marquise des ombres d'Édouard Niermans, avec Anne Parillaud, a été tourné en 2009 pour adapter le roman La Marquise des ombres, de Catherine Hermary-Vieille.

L'affaire des poisons est évoquée dans les films Angélique et le Roy, de Bernard Borderie (1966), et On connaît la chanson, d'Alain Resnais (1997).

Séries télévisées

L'épisode 13 de La caméra explore le temps est consacré à l'affaire des poisons.

La série Versailles dans sa seconde saison traite majoritairement de l'affaire des poisons.

Au théâtre

En 1960, une version théâtrale avec Rosy Varte (La Voisin) et Philippe Clay (Abbé Griffard) basée sur la création de Victorien Sardou (1907), est jouée à Paris, au Théâtre Sarah Bernhardt. Un extrait est d'ailleurs visible sur le site de l'INA.

Romans historiques

Voir aussi

Liens externes

Bibliographie

Articles connexes


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